Le Frère Elie SIMONIN,
1792-1856.


Né le 31 octobre 1792 à Lieffenans, petit hameau de la commune de Charcier, proche de Lons-le-Saunier, dans le Jura, Joseph Elie Simonin est le second enfant de Jean Augustin, cultivateur aisé, et de Jeanne Élisabeth Vaucher. Après lui, viendront encore 8 frères et sœurs, tous formés à la stricte pratique des vertus chrétiennes et du travail. Après ses années à l'école primaire, où il se montre très bon élève, il aide son père à la ferme, malgré un désir précoce du sacerdoce qu'il doit refouler : étant l'aîné des garçons, il lui faut se sacrifier pour les siens. Il est d'ailleurs vigoureux, adroit, travailleur. A vingt ans, ses parents lui donnent une épouse de trois ans plus âgée, Jeanne Julie.

Après dix années de travail à la ferme paternelle, il y laisse son frère cadet, marié et pourvu d'enfants. N'ayant pas lui-même d'enfant, il prend avec sa femme la gérance d'un moulin des environs ; il le quittera dix ans plus tard, pour diriger avec son frère un autre moulin plus important ; pas pour longtemps d'ailleurs, car le décès du père de famille les ramène tous deux à la ferme.

Joseph Elie sent alors revivre son projet de jeunesse, et, à l'exemple de François d'Assise, il décide avec sa femme de restaurer, dans le haut du hameau, l'église en ruine de Saint Sorlin, vestige d'un ancien monastère bâti vers l'an 600 sur les restes d'un culte du dieu Saturne et consacré à Saint Saturnin, qui devint Saint Sorlin. Du monastère et de l'église ne subsiste que le chœur, lui-même très délabré. Encouragé par les autorités et la population, il se fait maçon, charpentier, sculpteur, réussissant à rendre au culte ce pèlerinage ancien, y construisant un petit ermitage où il va vivre avec sa femme, dans le travail, la mortification et la prière.

Il n'y restera guère, car, subsiste, dépendant de la ville voisine de Conliège, un autre ermitage célèbre, lui aussi en ruine. Sollicitée, la charité de Joseph Elie ne se dérobe pas. En mars 1836, le voilà de nouveau à la tâche, s'y donnant si bien que le nouveau sanctuaire est inauguré, dès la fin de l'année, par une messe solennelle célébrée par l'abbé Roland, directeur du grand séminaire.

Cette réussite suscite une nouvelle demande. Non loin de l'ermitage, la commune de Conliège possède aussi un haut-lieu, site historique datant de la guerre des Gaules, où, dès le treizième siècle, les paroisses voisines possédaient leur cimetière et une grande église consacrée à St Etienne. D'accès difficile, église et cimetière sont abandonnés, fréquentés uniquement par le passage des troupeaux. L'ermite est prié de rendre aux lieux saints leur dignité, préfet du département et évêque lui exprimant eux aussi leur désir. Il reprend donc son travail de maçon-charpentier, y aménageant encore, pour lui et sa femme, un nouvel ermitage. Avant la fin (le l'année 1837, son troisième sanctuaire sera inauguré, la vénérable et antique statue de St Étienne y retrouvant sa place.

Sous l'influence des religieuses clarisses, le tiers ordre franciscain pénètre à cette époque dans le diocèse. l'abbé Roland est en 1841 chargé par l'évêque d'y recevoir les tertiaires. Joseph Elie sera un des premiers à en solliciter la faveur, et après un noviciat de pénitence et de prières, commencé en vérité depuis sept ans à St Sorlin, il prononce ses vœux le 7 septembre 1842, sous le nom de frère Louis-Arsène, en l'honneur de Saint Louis roi de France et de l'ermite saint Arsène. Il devient alors dans le tiers ordre l'aide très apprécié du directeur ; ce qui ne l'empêche pas, travailleur infatigable, de veiller à l'entretien de ses trois ermitages. Pour des raisons demeurées inconnues, il quitte alors l'ermitage de St Etienne pour revenir à St Sorlin, où sa femme ne tarde pas à décéder.

Veuf à soixante ans, son désir de jeunesse de se retirer dans une congrégation religieuse se ravive. Il s'y préparerait, avoue-t-il, au "grand départ". Sollicite, son évêque s'y oppose, préférant garder auprès de lui un chrétien si précieux.

Or voici que, pour faire connaître son œuvre naissante, le Père Libermann entreprend la visite des diocèses de l'est de la France et parvient, en mai 1846, au grand séminaire de Lons-le-Saunier. Plusieurs séminaristes obtiennent l'autorisation de répondre à son appel.

Joseph Elie est lui-même encouragé par le nouvel évêque, le curé de Conliège et l'abbé Roland, à entrer chez les spiritains. Il se rend, en juin 1852, à la communauté de N.D. du Gard près d'Amiens où, après quelque temps de noviciat, il fait profession, le 27 décembre, sous le nom de Frère Elie.

Il y est si apprécié que, malgré les réclamations de l'économe de la maison qui veut garder près de lui un confrère si dévoué et si capable, il est appelé à la Maison-Mère de Paris où sa générosité et son savoir-faire sont mis à contribution. Après un court séjour à St Ilan, on l'estime indispensable à la fondation du nouveau noviciat de Cellule en Auvergne. On n'y disposait que d'un grand terrain et d'une petite habitation, tout y est à faire. Il s'y rend en avant-garde, en mars 1856, avec un compagnon, bientôt suivi de six autres. Il sera le maître d'œuvre des travaux, sous la direction lointaine du Père Levavasseur qui, connaissant son ardeur au travail malgré ses 74 ans, ne cesse de lui recommander de se ménager.

Mais dès le mois d'août, il ressent les premières attaques du mal qui va l'emporter : violents maux de têtes compliqués de fièvres et bientôt d'ennuis respiratoires. Malgré les soins empressés de la communauté, du docteur, d'une religieuse infirmière et du curé de Cellule, il rend son âme au Seigneur comme il a vécu, en toute simplicité, sans agonie, ayant reçu viatique et sacrement des malades, ses lèvres ne cessant de remuer au rythme de sa prière, toute la communauté à genoux autour de son lit, récitant chapelet et prières des agonisants. Au Frère Jean, son compagnon habituel, qui, le voyant si malade, lui avait demandé : "Comment, sans vous, bâtir notre chapelle?", il avait répondu :"Je demanderai au Bon Dieu de donner à d'autres mes petits talents."

Dès le lendemain, 4 septembre 1856, sous la présidence du curé de Cellule, prêtres et paroisses des environs s'empressaient en foule a son enterrement. On le considérait comme un saint.

(D'après le livre du Père Charrier, "l'Hermite de Saint Sorlin" en 2000, consacré au Frère Elie Simonin)

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