Le Père Félix SALLAZ,
décédé à Bangui, le 24 novembre 1921,
à l’âge de 66 ans.


Félix Sallaz vint dans la congrégation à un âge relativement avancé. D’une famille originaire de Copponex (Haute-Savoie), il naquit à Genève le 18 janvier 1855, fit chez les Frères des Écoles Chrétiennes de cette ville ses études primaires et commerciales et, à seize ans, entra dans un bureau.

La mort de sa mère éveilla en son âme des pensées sérieuses : il s’appliqua à la piété qu’il avait jusqu’alors négligée et conçut le désir de se donner à Dieu dans la vie religieuse. Mais la persécution ayant chassé les congrégations de Suisse, il ne voyait pas comment il exécuterait son dessein ; trois ans, il attendit ainsi, et un nouvel attrait s’ajouta au premier : il résolut d’être religieux missionnaire. Quand il entra à Langonnet en quatrième, il avait alors vingt-sept ans. Son père mourut vers cette date. Plus libre encore par suite de cette disparition, il s’appliqua de toute son âme à l’étude et arriva au terme de ses vœux, prêtre et missionnaire. Il s’embarqua à Marseille, le 10 octobre 1890, pour l’Oubangui.

Il se sentait attiré vers « les petits, les plus délaissés, les pauvres Noirs » ; il ajoutait : « Je n’ai à leur service que des talents médiocres, peu d’aptitudes, mais je leur donne mon cœur et tous les instants de ma vie. » À Brazzaville, il fut chargé de l’œuvre des enfants. « C’est une fonction, écrivait-il, vers laquelle je me sens porté tant à cause de son importance pour la régénération de notre pauvre peuple noir que parce qu’elle me paraît assez en rapport avec mes faibles moyens. »

Après deux années passées à Brazzaville, il monta en 1892 à Saint-Louis de l’Oubangui et en 1894 à Saint-Paul-des-Rapides. Avec l’œuvre des enfants, il s’occupe aussi de ministère dans les villages. À cet effet, il voudrait le don des langues, il voudrait être plus hardi pour se mêler aux conversations des Noirs et par là explorer leurs coutumes et leurs croyances. Son humilité s’affermit dans ses insuccès : ce sont ses péchés qui en sont cause plus que « son défaut de capacité, d’énergie, d’entrain et d’initiative ». Il va jusqu’à s’accuser « d’une espèce de stupidité qui lui ôte toute idée au moment de parler ».

Malgré tout le mal qu’il dit de lui-même, il est nommé en 1902 supérieur de Bangui. « Une tuile, et des plus lourdes, vient de me tomber sur les épaules et sur la tête, écrit-il, au risque de la fêler davantage. Il s’agit de la supériorité de Saint-Paul que j’ai acceptée pour plaire à Monseigneur, en attendant que des circonstances favorables lui permettent de me décharger. En effet, Monseigneur ne fait pas toujours ce qu’il veut… Si encore il n’y avait que moi seul à pâtir ! Mais sentir et pressentir que les œuvres vont péricliter pendant que je serai à leur tête, c’est là une grande peine qui me cause un ennui capable de me dégoûter même des humbles fonctions que je remplissais jusqu’alors chez les enfants, et même aussi de la mission où tout semble prendre une autre tournure pour moi ! » Et il supplie qu’on intervienne près de Mgr Augouard, qu’on obtienne qu’il soit déchargé de son lourd fardeau. Du reste, il estime qu’il n’est placé là que pour ménager la transition entre le P. Gourdy et le P. Beauchesne. Le P. Beauchesne ne tarda pas en effet à prendre cette place importune.

En 1908, le P. Sallaz demande à quitter l’Afrique : sa vue baisse et il craint de gâter le travail ; il insiste pour rentrer en Europe. Il se défend d’abandonner son poste ; il se contente d’insinuer qu’on le mît dehors s’il n’était bon à rien. Et il explique ce qu’il fait. Il n’est plus chargé que de l’œuvre des enfants ; il a le soin du ministère dans les villages ; il n’a jamais brillé dans l’enseignement, il est encore plus piètre dans le ministère.

Sa vue baisse au point qu’il ne reconnaît plus les gens ; il ne distingue même les enfants de la mission qu’au son de leur voix. Que faire avec de telles infirmités ? Le P. Sallaz eût voulu être plus missionnaire, et si ses moyens naturels ne répondirent pas à ses désirs, ses intentions auront été récompensées par Dieu. Il est mort à Bangui le 24 novembre 1921. Il s’en est allé comme il avait vécu, humble et caché. Dieu sera sa récompense. -
BG, t. 30, p. 556.

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