Monseigneur Raymond-Marie TCHIDIMBO

Décédé à Venasque Le 26 mars 2011, âgé de 90 ans
Né : 15/08/20, Conakry (Guinée). Profès : 9/10/49, Cellule. Prêtre : 7/10/51,Chevilly. Evêque : 31/05/62, Conakry.
AFFECTATIONS : GUINEE : Dabadougou (52-56), Conakry (56-62, vicaire général - 62-70, évêque de Conakry) ; 70-79 (emprisonné à Conakry et libéré le 7 août 79). ROME-VATICAN (79-92, dicastère de la famille, dicastère de la communication). FRANCE : Saint Didier (92-2011, retraite).

Né d’un père d’origine gabonaise et d’une mère guinéenne, au sein d’une famille très croyante, Raymond-Marie Tchidimbo va effectuer au séminaire de Dixinn ses études primaires et secondaires. En 1941, il est mobilisé, sans doute par erreur, comme citoyen français. A sa démobilisation en 1945, il refuse de retourner au séminaire de Dixinn, estimant que les études n’y étaient pas assez approfondies. Il obtient d’aller au Grand Séminaire de Sébikhotane, au Sénégal. Il y découvre la spiritualité du P. Libermann et demande d’entrer chez les Spiritains. Il fait son noviciat en France et termine ses études de théologie à Chevilly. En octobre 1951, il est ordonné prêtre.
Sa première affectation le renvoie en Guinée, dans la Préfecture apostolique de Kankan. Le P. Tchidimbo organise des conférences pour la formation des chrétiens, en particulier sur le plan social. Ses relations avec quelques figures émergentes de la société guinéenne le font suspecter par l’administration française : son courrier est surveillé. En octobre 1954, il devient professeur à l’Ecole Normale de Dabadougou et, trois ans plus tard, il prend en charge la paroisse de Kankan, la Direction des Œuvres et quelques responsabilités matérielles. Il a le souci de sensibiliser ses confrères à l’évolution irrésistible de l’Afrique. Après la démission du Préfet Apostolique de Kankan, en 1957, il devient administrateur apostolique pendant un an. En octobre 1960, le P. Tchidimbo devient à Conakry vicaire général de l’archidiocèse auprès de Mgr de Milleville ; il est chargé spécialement des relations avec le gouvernement.
En 1960-1961, toutes les écoles privées sont nationalisées. Mgr de Milleville fait lire une lettre de protestation contre cette spoliation, mais surtout contre la demande d’une " Eglise nationale " : il est alors expulsé le 26 août 1961. Le P. Tchidimbo devient Administrateur de l’archidiocèse puis, nommé évêque par le pape Jean XXIII, il est ordonné le 31 mai 1962 : c’est une grande fête en Guinée et le Président Sékou Touré y participe en personne. Les débuts semblent euphoriques, mais Sékou Touré attendait de l’archevêque de Conakry qu’il s’aligne sur les directives du Parti.
Mgr Tchidimbo essaye d’aller le plus loin possible dans la voie de la collaboration. Mais peu à peu les relations avec le Président se dégradent. La première difficulté majeure surgit en mars 1966 après le coup d’Etat renversant Nkwamé Nkrumah, président du Ghana : le gouvernement demande aux communautés religieuses de " maudire les impérialistes et leurs valets ". Mgr Tchidimbo demande à ses prêtres de célébrer la messe pour la paix et lui-même préside celle de la cathédrale. Dans son sermon il critique tous les impérialismes, quelle que soit leur couleur, et dénonce les atteintes à la liberté et même à la vie des chefs d’Etat. Mais il inclut tous les chefs d’Etat. La retransmission de son allocution est coupée et désormais ses homélies ne seront plus transmises à la radio nationale car " non-conformes ".
Le 1er mai 1967, Sékou Touré annonce l’expulsion de tous les missionnaires " blancs " avant le 1er juin suivant. Des pourparlers s’engagent avec Mgr Benelli, Nonce à Dakar, et avec le Cardinal Zoungrana, archevêque de Ouagadougou. Rien n’y fait : les expulsions ont lieu fin mai. Les évêques ont improvisé un plan pour faire venir des religieuses et des prêtres africains, mais un premier groupe a été bloqué à Conakry, au prétexte que ces personnes étaient arrivées sans visa ! Mgr Tchidimbo essaie en vain de débloquer la situation. Le Président refuse de le recevoir. Les relations sont uniquement épistolaires. La situation se complique : deux prêtres – un Sénégalais et un Guinéen – ayant préféré l’amitié de Sékou Touré à la solidarité avec leur archevêque. Sékou Touré profite de cette division et en voudra à l’archevêque quand celui-ci renverra le prêtre sénégalais dans son diocèse d’origine… Le parti unique créera alors un Comité de(s) Catholiques de Guinée qui cherchera à mettre en accusation Mgr Tchidimbo et à le faire démissionner.
En novembre 1970, Mgr Tchidimbo est accusé de faire partie du complot coup de main portugais et est emprisonné la veille de Noël. Commence alors la série des interrogatoires accompagnés de tortures, d’humiliations sans fin, de pressions de toutes sortes. On conseille à Mgr Tchidimbo de reconnaître quelque chose pour ne pas laisser sa vie dans ces tortures. L’ambassadeur d’Union Soviétique intervient et conseille au président de ne pas faire de l’archevêque un martyr : il échappe donc à la mort mais est condamné à perpétuité pour trafic de devises !
Mgr Tchidimbo restera presque neuf ans au camp Boiro, de sinistre mémoire. Au bout de quelques mois, sa cousine religieuse, Mère Louis Curtis, réussira à lui faire passer un peu de ravitaillement et de quoi célébrer la messe. Puis après de longues démarches entreprises par le Vatican, le plus souvent par l’intermédiaire du Président Tolbert, du Libéria, un pasteur baptiste, Mgr Tchidimbo est libéré le 7 août 1979 et mis dans l’avion pour Monrovia. Il lui faudra plusieurs mois pour refaire sa santé et évacuer les cauchemars de la prison. Peu de temps après, deux évêques sont nommés, Mgr Robert Sarah à Conakry et Mgr Philippe Kourouma à N’Zérékoré. La situation de l’Eglise de Guinée n’était pas assurée pour autant.
Mgr Tchidimbo est nommé au Conseil Pontifical de la Famille et, pendant plusieurs années, préside des réunions, donne des conférences en Europe et ailleurs dans le monde. Il fait paraître plusieurs livres (Mon Père et ma Mère, Noviciat d’un évêque, la Dame de ma vie…). Avec le produit de son travail, il se fait construire une petite villa dans le sud de la France, à St Didier, où il passe ses années de retraite. Malgré de nombreux ennuis de santé, il atteint les 90 ans. Il meurt le 26 mars 2011. Il a demandé à être enseveli en Guinée.
Gérard Vieira
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