Le Père Georges-Henri THIBAULT
décédé à Chevilly, le jeudi 8 avril 1999, âgé de 73 ans
Né : 22 avril 1925, Elbeuf (76). Profès : 8 septembre 1948, Cellule. Prêtre : 29 juin 1953, Rouen

AFFECTATIONS
Sénégal - Dakar, vicaire à la Cathédrale (54-55) ; Sébikhotane, professeur et économe au séminaire (55-63).
France - Chevilly, professeur (63-64), puis directeur (64-68), puis supérieur (68-70) ; Maison provinciale, vicaire provincial (70-73), puis supérieur provincial (73-79).
Mortain, économe (79-80) ; La Croix Valmer, supérieur (80-84). Rome - Séminaire français, directeur spirituel (84-88). France - Vence, convalescence (88-91) ; Chevilly, retraite (91-93) ; Auteuil (Rue La Fontaine), archives (94-97) ; Chevilly, retraite (97-99).


Avec le Père Georges-Henri Thibault disparaît une des figures marquantes de l’histoire de notre Province de France, et même de la Congrégation, en cette seconde moitié du 20e siècle. Plusieurs traits de caractère me paraissent particulièrement révélateurs de la personnalité humaine et religieuse du P. Thibault. En les mettant en œuvre, avec application et persévérance, il a construit patiemment sa propre vie, et il aura aidé beaucoup d’autres spiritains à édifier la leur.

Son esprit religieux, d’abord. Sans avoir été une vocation tardive au sens habituel du terme, Georges-Henri n’est entré que tardivement au noviciat, à 22 ans, au terme d’études supérieures de Droit Civil. Mûrement réfléchie, sa décision était l’aboutissement d’un long et parfois laborieux cheminement intérieur. Jamais il ne remit en cause ni ne regretta cet engagement à la vie spiritaine. Tout au long de ses " 50 années de profession religieuse ", il a vécu avec générosité, on peut même dire avec une certaine rigueur, les exigences de la Règle, par un sens aigu tant de la pauvreté religieuse que d’une obéissance sans réserve et sans calcul. S’il a pu demander aux autres, de par ses fonctions, une franche disponibilité pour le bien de la Mission ou de la Congrégation, c’était parce que lui-même fut toujours disponible à ce qui lui fut demandé par ses Supérieurs. Les nombreux éditoriaux, écrits dans "Province et Mission" de 1973 à 1979, sont révélateurs de son engagement religieux à l’école de François Libermann. Dans les dernières années de sa vie, je l’ai retrouvé aussi appliqué à vivre sa vie religieuse que je l’avais connu quarante-cinq ans auparavant à Rome, alors que nous étions ensemble, jeunes scolastiques au Séminaire Français.

Son attachement et son dévouement à la Congrégation, ensuite. Durant plus de vingt ans, tant dans la Province qu’envers la Congrégation, il eut un rôle important : son influence fut parfois décisive, dans la mise en application du Décret conciliaire "Perfectae Caritatis" sur " la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse ". Il participa activement à tous les Chapitres Généraux de "l’aggiornamento" de notre famille religieuse et missionnaire. Il en fut de même de tous les Chapitres Provinciaux de 1970 à 1985. Il participa aussi, comme " observateur attentif ", à de nombreux autres Chapitres spiritains de nos Provinces d’Europe ou des Districts d’Afrique. Il aimait parfois évoquer le temps passé en Chapitres au cours de sa vie : le total est proche des dix-huit mois !

Directeur du scolasticat à Chevilly, Assistant provincial, Vicaire provincial, Provincial : dans chacune des charges qu’il assuma, ses qualités spirituelles et humaines, sa compétence en droit civil et canonique furent des plus précieuses, tant pour le bien des personnes que pour la mise en place, puis le fonctionnement des structures. Clarté dans la vision du bien commun ; mélange de fermeté et de prudence dans l’application des décisions prises au niveau des Chapitres ; continuité et persévérance dans le suivi des questions traitées en Conseils provinciaux : telles furent les marques principales de sa gestion. Certes, on pourra parfois évoquer certaines raideurs, certaines intransigeances, soit à l’égard des personnes, soit dans le règlement de certains conflits. Loin d’être chez lui un principe de gouvernement, il faudra y voir plutôt les faiblesses de toute autorité humaine, et donc faillible. Lui-même en souffrit, reconnaissant loyalement ses torts s’il y en avait, et s’efforçant de réparer autant que faire se pouvait !

Sa personnalité enfin. Pour lui, " oui, c’était oui, et non, c’était non ! " Georges-Henri Thibault a été, avant tout, un homme droit. On a pu parler de dureté : à tort, il me semble. Simplement, ouvert sans conteste aux personnes et à leurs difficultés, il ne transigeait pas sur les principes. Georges-Henri était chaleureux dans ses rapports. Déjà, à Rome en 1950, il était le boute-en-train de notre petite communauté de scolastiques, sous la houlette bienveillante du Père Larnicol. A Dakar et Sébikhotane, durant son séjour au Sénégal, sa cordialité a laissé des amitiés fidèles. Le témoignage du Cardinal Thiandoum, lu à ses obsèques, en est bien la preuve. A Chevilly également, puis à la rue Lhomond, et ensuite dans les différents postes qui lui furent confiés, tous ceux qui ont vécu avec lui se plaisent à souligner son " accueil " et son " écoute des autres ", sa jovialité dans les moments de détente ou de rencontres fraternelles…

Sa porte a toujours été ouverte à ceux qui souhaitaient le rencontrer. Beaucoup de nos confrères qui ont quitté la Congrégation lui en demeurent reconnaissants. La délicatesse pour ceux qu’il honorait de son amitié a toujours su s’exprimer en des paroles ou des écrits, témoignant de ses sentiments fraternels. Certes, en ce domaine des rapports humains, comme dans celui de l’exercice des responsabilités, il serait facile d’émettre des réserves. Ceux qui ont été le témoin ou l’objet de l’une ou l’autre de ses colères blanches, ou encore ceux qui ont entendu ou subi l’un de ses jugements à l’emporte-pièce estimeront sans doute ces réflexions excessivement bienveillantes ! Tout en reconnaissant chez lui ces manifestations du vieil homme qui sommeille en chacun d’entre nous, j’ai préféré souligner la richesse des qualités humaines et spirituelles qu’il s’est efforcé de mettre en œuvre, durant plus de "50 années de vie spiritaine", pour son propre avancement spirituel, mais aussi pour le bénéfice de sa Famille religieuse.

Dans les dernières années, et surtout dans les derniers mois de sa vie parmi nous, Georges-Henri Thibault a connu de graves ennuis de santé. Lui, "l’homme fort" s’il en fut, a éprouvé dans sa chair les limites de la condition humaine ici-bas. Il a vécu ces épreuves avec un grand esprit de foi, les acceptant avec courage et lucidité, les assumant aussi, jusque dans l’extrême dénuement, avec un cœur de pauvre.

Puissent ces lignes nous aider à nous souvenir de tout ce dont nous sommes redevables à celui qui nous a quittés pour recevoir, de Celui qu’il a aimé et servi, la récompense promise à tous ceux qui L’auront suivi ici-bas ! -
Jean Ferron

Page précédente