Le Frère Placide THOMAS,
décédé à Misserghin, le 18 août 1922,
à l’âge de 54 ans.


Le F. Placide arriva non sans peine à la vie religieuse. Né à Étables (Côtes-du-Nord) le 12 mars 1868, il fut à onze ans placé par sa mère à l’orphelinat de Saint-Ilan et n’y put rester faute de ressources. Il rejoignit donc sa mère à Jersey, puis revint bientôt à l’orphelinat où il demeura jusqu’à l’âge de vingt ans. Ne sachant que faire au dehors, il voulut s’attacher à l’œuvre qui l’avait avait formé : il demanda et obtint d’être gardé dans la maison à titre d’agrégé. Sa jeunesse, la liberté de sa condition, l’exposaient à la légèreté, à l’indiscipline même ; aussi vit-il la nécessité d’une vie plus réglée, ou même de la vie religieuse. Il ne s’y décida pourtant qu’avec peine, à l’âge de vingt-six ans. C’est en effet en septembre 1894 qu’il passa au noviciat des frères à Chevilly et trois ans plus tard, le 8 septembre 1897, qu’il fit à Mesnières ses premiers vœux.

À Saint-Ilan, il avait été charretier pendant neuf ans, meunier pendant plus de deux ans et, en outre, menuisier, et chauffeur-mécanicien. Il avait pris goût au chant et à la musique et était devenu capable de diriger un chœur ou une fanfare. De ces nombreuses aptitudes il sut tirer un excellent parti, d’abord à Orgeville où il avait fait une partie de son noviciat, puis à Langonnet, enfin à Misserghin. Il eût aimé se dévouer en mission, mais il hésitait à insister près des supérieurs pour qu’on l’y envoyât, car il ne tenait pas à s’éloigner de sa mère.

Quand Misserghin eut été sécularisé, il fut désigné pour Brazzaville : il y resta seize ans, dans différents postes, à la Sainte-Famille, à Brazzaville, à Mbamou, à Brazzaville encore. « Ce frère, disait Mgr Augouard, ne mérite que des éloges. Il a de grandes aptitudes pour la forge, la charpente, la menuiserie, la musique où il réussit égalment. Il est bon et dévoué. » Ces talents lui permirent de rendre de grands services.

Il s’attacha à sa station de Mbamou qu’il appelle sa pauvre et bien-aimée mission ; mais il y contracta la maladie à laquelle il devait succomber. Il devint sujet à des syncopes subites, parfois très longues : un jour, il fut sans connaissance pendant vingt-quatre heures consécutives. Aussi à son retour en France en mai 1919, il fut décidé qu’il ne retournerait plus au Congo.

C’est à Misserghin qu’il fut envoyé : il s’y dévoua sans compter : « C’était l’homme précieux par excellence : maçon, menuisier, mécanicien pour les moteurs locomobiles. Dans cet amas de vieilles maisons nécessitant sans cesse réparations c’était l’homme qu’on ne remplace pas. » Avec cela, « bon religieux, à l’écorce un peu rude parfois, mais homme de foi vive, d’un dévouement à toute épreuve, s’usant jusqu’au bout pour la congrégation et la communauté ».

Le 18 août dernier, il avait travaillé toute la matinée, depuis trois heures du matin, suivant son usage pendant les grandes chaleurs, pour mettre en marche le moteur de la pompe d’arrosage. À onze heures, il avait assisté au chapelet et fait son examen particulier, puis il se rendit à table. Il refusa de prendre de la soupe mais se servit un bol de lait. Il y trempa les lèvres et resta la tête penchée sur le bol : on crut à une de ses syncopes ordinaires, on l’emporta, on lui donna les soins usités en pareil cas, mais il rendit aussitôt le dernier soupir avec la faveur d’une dernière absolution et de l’extrême-onction. -
BG, t. 30, p. 912.

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