Le Fr. PAUL-de-la-CROIX Trappl,
profès des voeux per­pétuels, décédé à Chevilly, le 18 janvier 1956,
a l'âge de 77 ans et après 44 années de profession.


Le Fr. Paul-de-la-Croix, de nationalité autrichienne, était né le 3 juin 1877, à Mistelbach, dans le diocèse de Vienne (Autriche).

A son arrivée au Postulat des Frères, à Chevilly, le 19 mars 1908, il avait trente ans et connaissait déjà la vie. Aprés avoir exercé d'abord la profession de boulanger, à Vienne, de 1894 à 1902, il était parti, en septembre 1902, pour les Indes anglaises, au diocèse de Lahore, dans le Penjah, comme religieux du Tiers-Ordre de Saint-François.

Novice de la Congrégation du St-Esprit, le 24 avril 1909, il fit profession à Chevilly, le 25 avril suivant. Six mois plus tard, en octobre 1910, il s'embarquait pour la Sierra-Leone. Trois ans après, il devait déjà rentrer en Europe pour raison de santé. Il alla se reposer à Vienne et fut mobilisé en 1916. A la fin de la guerre, il passa deux ans chez son frère, à Vienne. De juillet 1920 à août 1928, nous le retrouvons comme factotum à Fribourg, sans compter une année passée à Montana comme infirmier. Il fit encore l'office de portier à la Maison-Mère d'août 1928 à novembre 1933; puis il arriva à le communauté de Chevilly à laquelle il devait rester attaché jusqu'à sa mort.

Ceux qui ont suivi les derniers moments du Fr. Paul-de-la-Croix, écrit le P. Jaffré, supérieur de Chevilly, et ceux qui connaissaient ses dispositions intimes, ont pu se dire: voilà une mort qui reflète bien la vie qu'elle couronne. Elle ne l'a pas surpris, ni troublé. Il l'avait vue venir de loin, et, avec une foi simple et réaliste, il la regardait comme un passage nécessaire pour retourner à Dieu. Il semble qu'elle ne l'ait jamais effrayé.

En juin 1955, une grave indisposition générale le condamna au repos absolu : vieillesse, usure, état de fatigue plutôt que maladie caractérisée. Retiré à l'infirmerie, il ne devait plus reprendre d'activité. Mais un règle­ment précis et fidèlement observé assurait ses exercices religieux avec la même fidélité qu'en communauté, Ses journées se passaient dans sa cham­bre, à l'oratoire et dans les allées du pare tant qu'il put en faire le tour quotidien.

Mais vint le temps où, faute de pouvoir s'alimenter, ses forces com­mencèrent à décroître rapidement. A la mi-décembre, se sentant décliner, il demanda l'Extrême-Onction qu'il reçut avec des dispositions peu ordi­naires de piété, de confiance, d'abandon à Dieu, suivant les cérémonies et répondant à toutes les prières. Rayonnant de paix et de joie, il exprima ensuite son bonheur de mourir en communauté, au milieu de ses con­frères, et demanda pardon à tous de ses malédifications et de la peine involontaire qu'il avait pu leur causer.

Le mois qui devait encore prolonger son épreuve se passa dans la même sérénité. Aucune plainte, aucune allusion à ses souf­frances; interrogé, il se contentait de répon­dre: «Mieux vaut souffrir ici qu'au Purga­toire.»

Cependant, un moment, le démon semble avoir tenté une attaque contre cette tranquillité. A une de mes visites, en saisissant ma main pour la baiser: «Oh! dit-il, que vous êtes bon de venir me voir; la présence du prêtre est une protection contre le Malin.» Puis dans un souffle presque imperceptible, il ajouta : « Il y a quelqu'un qui me regarde par derrière, là, du côté du mur, dans les ténèbres.» Le P. Jaffré pensait que c'était le délire; mais le Frère, devinant sa pen­sée, lui dit encore: «Non, mon Père, je ne divague pas: il est là, l'autre, mais il ne peut rien contre moi » Et me sortant son bras, il montra une petite croix serrée dans le creux de la main. «Jésus est avec moi, je le tiens, Il ne m'abandonnera pas,»

Une autre fois, comme le Père l'exhortait à penser au bonheur du ciel: «Oui, je suis content, je sens qu'il approche. Mais le bonheur, je l'ai déjà ici: quel bonheur de mourir avec Jésus! - Et l'Autre? lui de­manda le P. Jaffré, est-il toujours là? - Non, répondit le moribond, il a filé devant le crucifix. Je suis tranquille. Au revoir, mon Père, à demain, si Dieu le veut.»

C'est dans ces sentiments que le bon Frère Paul-de-la-Croix rendit son âme au Seigneur, en pressant son image dans la main, en signe d'in­défectible amour

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