Le Frère Ubald WEISS
décédé à Chevilly, le 23 mai 1985, à l'âge de 95 ans


Si je devais en deux mots caractériser la personnalité du Frère Ubald, je dirais : ascétisme et amour du Beau, de l'art de bien faire les choses. D'ailleurs, l'un ne va pas sans l'autre !

Les plus curieux d'entre nous pourraient se demander où le Frère Ubald a puisé ces valeurs. La réponse n'est pas facile ; il faut toutefois reconnaître que ses antécédents familiaux ont eu pour racines une culture toute germanique où la façon de concevoir, de penser les événements et les choses procèdent d'une certaine rigueur.

Le Frère Ubald est né à Thann (Haut-Rhin) sous le nom de baptême d'Aloyse, le 5 février 1890, il y a quatre-vingt quinze ans. Après ses études primaires dans son village natal, contre l'avis de son père - car le jeune Aloyse avait une santé fragile -, il commence l'apprentissage du métier de menuisier. A 17 ans, il demande à entrer au Postulat et au Noviciat de Knechsteden. Il y fera profession le 21 juin 1909. " Vie dure me confiait-il un jour; on se levait à quatre heures du matin, été comme hiver, On avait une sérieuse formation à la vie de prière et de travail. Aujourd'hui, on ne pourrait plus faire cela ; d'ailleurs, moi-mème, je suis content de ne plus me lever si tôt ".

Le Frère Ubald restera douze ans à Knechsteden. Il faut reconnaître qu'une grande partie de son cœur est restée là bas. Il parlait toujours, avec beaucoup de chaleur et d'admiration, de cette communauté, de ce qu'il y avait reçu.

En 1919, il arrive à Neufgrange. C'est l'année de sa profession perpétuelle. En 1923, il est envoyé à Mortain. Il fut, avec le Frère Jean Cadalen, l'un des premiers à remettre en état l'Abbaye Blanche que la Congrégation venait d'acheter. Enfin, en 1928, il est affecté à Chevilly, où il restera jusqu'à sa mort, c'est-à-dire durant cinquante-sept ans !

Chevilly : vaste et grande maison où tout est toujours à faire et à refaire. Ce fut l'agrandissement du troisième étage du scolasticat, la construction du nouveau bâtiment, sans compter de multiples travaux d'entretien que demande un tel ensemble. Il y a dans cette maison des chefs-d’œuvre en ébénisterie ou en marqueterie qui portent la griffe et la signature de son savoir-faire, de son goût du beau, en particulier les stalles de la grande chapelle.

Mais nul n'ignore que le plus beau des chefs-d’œuvre est souvent invisible à I’œil. C'est pourquoi il faudrait ici parler des nombreux apprentis qu'il a formés au métier de menuisier ou d'ébéniste. A tous, il a inculqué le sens du travail bien fait, le goût des belles choses, en un mot l'amour d'une profession exercée avec savoir-faire et compétence. Aujourd'hui, si aux quatre coins de France ou d'Afrique, des chapelles de brousse, des cathédrales, des dispensaires ou des-écoles ont vu le jour, c'est grâce à ceux qu'il a si bien formés.

Le 22 mai au matin, le Frère Ubald fit une mauvaise chute dans sa chambre. L'examen radiologique, à la clinique du Sud, devait révéler une fracture du col du fémur. Prévenu, le Frère Ubald fit simplement cette réflexion : " A mon âge, faire une chose pareille... " Puis, fermant les yeux, il ajouta, avec cet accent qui le caractérisait si bien : " Comme le bon Dieu voudra! à Il reçut le sacrement des malades le soir même. L'opération eut lieu et nous savons la suite. Jeudi soir, il fit le passages, nous laissant sur l'autre rive.

Frère Ubald, nous vous reconnaissons comme un grand missionnaire, comme un grand serviteur de l'Église. Toutefois, je crois que la belle construction que vous avez réalisée reste et restera cachée aux yeux des hommes, à savoir la construction de votre unité intérieure, ciselée, j'en suis sûr, avec les gouges de l'humilité de la patience, et martelée avec le maillet de l'amour pour votre Dieu.

Pour ce que vous avez été pour nous tous, Frère Ubald, merci ! Pour ce que vous ferez encore pour nous demain. Frère Ubald, MERCI!
Jean-Pierre DELSARTE

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